Méditations du monastère de Prailles
Homélie de l'Aube de Pâques
Aube de Pâques du 20 avril 2025 à Pié-Foulard – Prédication sur Jean 20.1-10
par Bertrand Marchand, pasteur de l’Église protestante unie de France
Église protestante unie du Poitou rural
Jean 20.1-10 (traduction Parole de Vie)
Le dimanche matin, très tôt, Marie de Magdala part vers la tombe. Il fait encore nuit. Il y avait une grosse pierre à l’entrée et Marie voit qu’on l’a enlevée. Alors elle part en courant, elle va trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait. Elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de la tombe, et nous ne savons pas où on l’a mis ! » Pierre et l’autre disciple partent, ils vont vers la tombe. Ils courent tous les deux ensemble, mais l’autre disciple court plus vite que Pierre et il arrive le premier à la tombe. Il se penche et il voit les bandes de tissu posées par terre, mais il n’entre pas. Simon-Pierre arrive après lui. Il entre dans la tombe, il regarde les bandes de tissu posées par terre. Il regarde aussi le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus. Ce linge n’est pas posé avec les bandes de tissu, il est enroulé à part, à un autre endroit. Alors l’autre disciple, celui qui est arrivé le premier à la tombe, entre, lui aussi. Il voit et il croit. En effet, les disciples n’avaient pas encore compris ce que les Livres Saints annonçaient : Jésus doit se relever de la mort. Ensuite les deux disciples retournent chez eux.
Lire le pdf de l'homélie
Regardez l'homélie de l'Aube de Pâques 2025
VIGILE PASCALE 2025
Il est une tradition juive, sœurs et frères, selon laquelle le Messie viendra à minuit comme aux jours de la sortie d’Egypte, première Pâque du Seigneur. Il ne faut donc pas, dit Saint Jérôme, que pendant la vigile pascale, on renvoie avant minuit le peuple qui attend la venue du Christ.
Cette tradition nous dit deux choses : d’abord que le Christ va venir ! Et ensuite, comme il faut lui laisser le temps d’arriver, cela me laisse de la marge pour cette prédication !
Le christ Messie va venir : cela veut dire que nous sommes une Eglise qui attend, qui espère, qui vit donc à jamais, pour ainsi dire, dans des endroits où nous sommes sans réponse, des endroits où nous ne trouvons pas notre satisfaction totale, et nous vivons cette attente chaque année durant la nuit de Pâque. Mais à force d’attendre, année après année, le risque pourrait être grand de se décourager et de perdre patience et de s’endormir comme les vierges sages et folles de la parabole. Alors attendons, soyons vigilants et remplis d’espérance !
Tout à l’heure, nous étions dehors. Et nous voilà dedans. Mais c’est le voyage intérieur qui compte. Cette nuit nous rappelle que nous sommes des pèlerins sur terre. C’est étonnant, en fait, de devoir reprendre conscience de notre état d’itinérant, car nous vivons à une époque où tout bouge : on communique, on voyage, on se déplace, pour les études, pour le tourisme, pour le travail, pour les guerres aussi hélas ! Finalement, Il n’y a peut-être que dans les religions, quelles qu’elles soient, qu’on a l’impression que ça ne bouge guère et que chacun campe sur ses positions ! Heureusement que la petite procession de cette nuit, aussi rapide fut-elle, nous rappelle que le croyant en vérité n’est jamais immobile. Il n’est prisonnier ni du béton des églises ni des formules ou des mots qui tentent de dire l’inexprimable du mystère. A la suite du Christ, pas de fixation crispée possible ! Pas de retour en arrière ! Pas de peur de l’avenir ! « Va vers la montagne que je t’indiquerai » dit Dieu au vieil Abraham. « Viens ! Suis-moi » dit Jésus au jeune homme riche. « Vous tous qui avez soif, venez ! » dit-il par son prophète Isaïe. Car ne nous trompons pas : en entrant dans cette église, nous sommes allés plus loin que cela. Nous sommes allés jusqu’à Dieu.
Tout à l’heure, il faisait nuit, dehors ; nous voilà maintenant dans la lumière. Le monde ancien s’en est allé, celui de la nuit, et le Christ soleil levant nous fait passer du vieil homme à l’homme nouveau. « Il y eut un soir, dit Genèse, il y eut un matin », et c’est quand la lumière s’est propagée du Christ à nos bougies. Chaque vigile pascale est comme le premier jour, celui de notre baptême. Où nous passons des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. Comme les Hébreux avec Moïse, nous passons la Mer Rouge, libérés de l’esclavage et de la servitude d’Egypte. Comme le fils prodigue, nous quittons les rives obscures du péché et du mal pour s’avancer à la rencontre de Celui dont le Christ nous dit la lumière ineffable : laissons nous prendre dans ses bras qui nous relèvent.
Des bras qui nous relèvent. Le mot est dit. Relever ; ressusciter.
Avec le Christ, dans la nuit de sa résurrection, nous passons une frontière.
Car à quoi bon toutes ces lumières, tous ces fastes, si rien ne se passe en nous, si rien ne se dépasse en nous, radicalement ?
Cette nuit, sœurs et frères, elle veut changer notre façon de vivre, notre façon de regarder les autres et soi-même et Dieu et elle jette une lumière nouvelle sur ce monde aux prises avec la mort. Ce ne sont pas des forteresses que bâtit la foi professée en cette nuit ; ni des murailles d’intolérance ou de rejet ; ce sont des brèches qu’elle ouvre bien plutôt ; des fenêtres qu’elle ouvre ; il s’agit en cette nuit d’une nouvelle naissance : « Il te faut naître d’en haut, disait Jésus à Nicodème ; à moins de naître d’eau et d’esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume. » Cette nuit de Pâques n’est-elle pas la nuit des chamboulements ? Des chaînes qui tombent ? Des ténèbres vaincues ? Des habitudes qui s’évanouissent ? De la mort qui agonise ? Des tombeaux qui s’ouvrent ?
Délire que tout cela ! C’est ce que disent les disciples et ils n’ont pas cru Marie Madeleine, Jeanne et les autres femmes venues tôt le matin au tombeau. La pierre était roulée, disent-elles, et le tombeau vide. Dieu venait de faire naître au monde son Fils, son bien-aimé, premier né d’un peuple nouveau.
Du délire…et pourtant, sœurs et frères, de ce peuple de fous, nous en sommes. Mais à une condition : c’est de repartir tout à l’heure, sans nostalgie des fastes de cette nuit ; de repartir pour être présence, présence réelle de la miséricorde de Dieu, reflet de son visage, éclat de sa lumière, témoin de sa vie, veilleur partout où l’avenir semble dans une impasse, où la paix paraît impossible et où tant d’hommes et de femmes ne savent plus bien ce que c’est qu’être frères et sœurs et ce que vivre heureux veut dire. De repartir comme des pèlerins d’espérance.
Repartir, allez-vous me dire ? Mais s’il arrive, le Messie, comme un voleur, après minuit ?
Oh, vous savez, il pourra bien arriver à l’improviste, notre Seigneur : il sera tellement heureux de nous trouver absent pour cause d’humanité.
Frère Jean-Luc-Marie, op.
PÂQUES 2025 MONASTERE DE PRAILLES
Il y a des jours de notre vie, sœurs et frères, qui sont magnifiques. Ils sont beaux comme ces champs de colza un peu partout autour de nous, vastes étendues jaunes sur lesquels se lève le soleil. Ils sont brillants comme les feuilles des tilleuls devant mes fenêtres, qui ruissellent le matin de gouttes de rosée. Des jours joyeux comme le chant des oiseaux à l’heure où commence l’office de laudes.
C’est sûr : ce sont des jours qui ont une couleur de résurrection !
Il y a des jours de notre vie où l’on est content : content de soi, content de ce que l’on est, content de ce que l’on fait. Il y a des jours où on se sent proche de tout et de tous. On a comme envie de crier sa joie, de crier merci. Comme François d’Assise, dire merci pour tout ce qui bouge, vit et respire ; merci pour le soleil et pour les fleurs ; merci pour ses frères et pour ses sœurs, pour ses enfants, ses parents, son conjoint. Merci pour la tendresse qui se dit dans un geste ou affleure sur nos lèvres.
C’est sûr : ce sont des jours qui ont une couleur de matin de résurrection !
Et il y a des jours encore où on se sent capable de tous les embrasements et de tous les embrassements, capable de toutes les folies d’un cœur prêt à donner le meilleur de ce qu’il porte en lui. Comme Saint Benoit, comme Ste Scholastique, comme tant d’autres.
C’est sûr : ce sont des jours qui ont une couleur de matin de résurrection !
Il y a des jours aussi, où on donnerait sa chemise, où on donnerait sa vie. Comme Jésus. Ces jours-là, c’est sûr, ce sont des jours où on se sent aimés ! Et ces jours-là ont une couleur de matin de résurrection, quand Dieu relève du tombeau son Fils bien-aimé, celui qu’il a envoyé dans notre humanité pour nous révéler son visage d’amour, et que les hommes ont fait mourir en le pendant au bois du supplice. Celui qui était mort est vivant, et la nouvelle est tellement déroutante que nul ne sait comment réagir devant le tombeau vide.
Marie-Madeleine est toute perdue, débordée par son chagrin, en pleurs, elle s’inquiète d’un corps qu’on aurait égaré… Simon-Pierre, lui, semble ébahi devant ce qu’il découvre : les linges et le suaire sont bien rangés. Il est perplexe et sans doute se questionne : que s’est-il donc passé ? L’autre disciple, celui que Jésus aimait, est le seul à voir et à croire. Les linges et le suaire bien rangés suffisent à éveiller en lui une intuition du coeur et il y voit un signe. Pas de preuve imparable, simplement un signe. Marie Madeleine, Pierre, Jean, chacun avance à son rythme, vers la foi pascale, selon ce qu’il est, selon peut-être aussi ce qu’était sa relation avec Jésus.
N’est-ce pas le cas pour chacun de nous ? L’important n’est-il pas de cheminer, de chercher, de courir, d’être déplacé intérieurement ?
Comme Marie Madeleine qui la première porte aux disciples la bonne nouvelle de la Résurrection, il s’agit pour nous, depuis ce matin-là, d’arrêter nos « sur place » et d’être porteurs pour nos frères de la vie que Dieu veut pour eux, de la vie que Dieu veut pour nous !
Parce que Jésus est ressuscité des morts, nous croyons que la miséricorde peut vaincre le mépris et qu’aucune existence ne peut être jamais définitivement condamnée !
Parce que Jésus est ressuscité des morts, nous croyons que le don de soi, par amour et dans l’amour, mystérieusement, peut arracher le monde au mal et à la violence.
La pierre qui est roulée ne dit-elle pas que tout est possible ?
Christ est ressuscité des morts !
Levons-nous, pour vivre, pour porter la vie, pour aimer ! Levons-nous, sœurs et frères ! Que dis-je ? Laissons-nous relever par le Christ dans l’explosion de vie du matin de la Résurrection !
Frère jean-Luc-Marie, op.
Ecoutez le son de l'homélie
Méditation Dimanche de Pâques – 20 avril 2025
« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts, il n’est pas ici, il est ressuscité. » (Lc 24, 5)
« Jour d’allégresse et jour de joie », chantons-nous aujourd’hui pour célébrer la Résurrection de notre Seigneur. Joie de la victoire de la vie sur la mort. Joie cette année de vivre Pâques le même jour ensemble, catholiques, orthodoxes et protestants. C’est la joie qui domine en ce jour et pendant les 50 jours du temps pascal. Pourtant, les récits des évangiles de la vigile pascale et de jour de Pâques nous parlent plutôt de crainte (Luc 24, 5), d’incrédulité (Luc 24, 11), d’étonnement (Luc 24, 12), de pleurs (Jn 20, 11). Le récit de la Passion selon saint Luc, lu le dimanche des Rameaux, se terminait ainsi : « Les femmes qui avaient accompagné Jésus depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voir comment le corps avait été placé. Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. » Pendant la vigile pascale, nous avons entendu la suite : « Les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates qu’elles avait préparés. (…) mais elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. » Les femmes s’attendent à trouver un corps mort mais il n’y a rien. Et nous, que cherchons-nous ? qui cherchons-nous ? Les femmes sont désemparées : qu’est-ce que cela signifie ? Elles ne comprennent pas. Jésus n’est plus là, il est vivant, il est ressuscité comme il l’avait annoncé. Elles se rappelèrent alors les paroles de Jésus. Est-ce que nous nous rappellerons les paroles d’espérance, de réconfort que le Seigneur nous adresse ? Nous les entendrons pendant le temps pascal : « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14, 6), « Je suis le bon pasteur, le vrai berger qui donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11) « Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 25). Faisons mémoire des paroles de Jésus qui nous aident à avancer sur la route et osons annoncer la bonne nouvelle de la Résurrection. Les apôtres ne croient pas ce que racontent les femmes. Il leur faudra que Jésus ressuscité se manifeste à eux pour qu’ils croient. Le soir, sur le chemin d’Emmaüs (Luc 24, 13-35), Jésus interprètera les Ecritures aux deux disciples et c’est à la fraction du pain, qu’ils le reconnaîtront. En ce jour de Pâques que nous, chrétiens de différentes confessions, célébrons cette année le même jour, espérons qu’un jour nous puissions partager ce pain ensemble à la même table.
« Voici le jour que fit le Seigneur, jour d’allégresse et jour de joie ! »
Alleluia, Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité !
Belles fêtes de Pâques !
Sr Anne-Delphine
Aujourd'hui, Samedi Saint, journée d'entre-deux : entre la mort et la Résurrection du Seigneur.
Jour d'attente, d'espérance...
Dans l'évangile de luc au chapitre 23 : "Les femmes qui l'(Jésus) l'avaient accompagné depuis la Galilée suivirent Joseph ; elles regardèrent le tombeau et comment son corps avait été placé.Puis elles s'en retournèrent et préparèrent aromates et parfum. Durant le sabbat, elles observèrent le repos selon le commandement et le premier jour de la semaine, elles vinrent au tombeau....
Le sabbat, encore aujourd'hui vécu par les juifs, dans le monde et surtout à Jérusalem, la vie s'arrête : pas de tram, pas de bus, pas de voiture. Les gens se déplacent à pied. C'est une journée de prière, une journée pour la famille. Nous voyons des familles aller prier au Mur, les femmes et les enfants "endimanchés." Le Sabbat est une fête joyeuse !
Dans l'évangile Luc note que les femmes qui ont suivi Jésus respectent le sabbat, cet "espace temps" entre le temps de la mise au tombeau et le temps de la Résurrection. Mais elles le savent pas, elles attendent le premier jour pour pouvoir fini ce qu'elles avaient à accomplir : l'embaumement de Jésus. Cet espace-temps : un temps pour accueillir l’œuvre de Dieu dans leur vie, dans nos vies. Elles se sont peut-être rappelés les paroles de Jésus, ses paroles de feu qui brûlaient leur cœur, qui les invitaient à aimer, à se mettre à sa suite, au service des pauvres, à pardonner... Des paroles qui faisaient s'éloigner toute tristesse, toute jalousie, toute rancune, des paroles qui donnent la vie, comme un baume sur le cœur.
En ce jour, comme les saintes femmes, prenons le temps de nous souvenir, de nous rappeler des paroles qui ont brûlés notre cœur. Les paroles du Seigneur qui nous donnent la vie, qui nous ont consolés, remis debout !
Dans la joie et l'espérance, préparons notre cœur à accueillir la joie de Pâques !
sr Isabelle
Vendredi saint 2025
Les cloches du Jeudi Saint se sont tues. La joie de Noël a retenti une dernière fois dans le chant du Gloria hier soir. La ténèbre descend sur Jérusalem, et les villes et les champs. L’époux s’en va. Le Fils de l’homme s’enfonce dans une longue nuit où se mêlent la peur et le sang et l’humiliation. Il faudrait sonner le glas. L’heure du Fils est arrivée. La croix, les clous, la lance. Et il se fait sur la terre un grand silence. Tout s’anéantit dans le silence. (Le silence des cloches, Renée Van Coppenolle)
On aimerait entendre la voix qui s’était fait entendre au jour du baptême, sur le bord du Jourdain. On aimerait l’entendre comme au jour de la Transfiguration sur la montagne : « Tu es mon fils bien aimé ». Mais le ciel se tait.
On aimerait entendre le cri de résurrection du sourd muet à qui Jésus avait rendu la voix. Mais on ne l’entend pas.
On aimerait entendre la protestation de ses disciples et de ses amis qui savent que tout cela est complot et qu’il n’a rien fait pour mériter cette mort. Mais ils ont fui et ceux qui sont là, au pied de la croix, ne disent rien.
Si Marie balbutie quelques prières, c’est si bas qu’on ne les entend pas. Il y aurait peut-être bien des pleurs, mais vous savez comme elles sont silencieuses, les larmes qui coulent le long de notre joue à certains jours de notre vie.
La Croix, c’est l'expérience d’une immersion totale dans le silence de Dieu. Dieu se tait. Il se tait parce qu’il choisit de prendre la place du dernier, la place de celui qui n’a jamais la parole. La place de celui qui ne fait pas beaucoup de bruit. Dieu prend la place du dernier pour que plus personne ne puisse l’occuper dorénavant.
Dieu choisit de connaitre la solitude pour que plus personne ne soit seul après cette mort un jour de vendredi, pour que plus personne ne puisse se sentir seul ou abandonné.
Il s'est livré pour que plus personne ne soit livré.
Il s'est laissé vaincre pour que plus personne n'ait plus désormais honte de ses défaites, de ses échecs, de ses trahisons.
Le premier se fait le dernier, pour qu’il n’y ait plus de derniers et pour que tous puissent donc vivre et retrouver l’espérance d’un monde où l’on prend soin des petits. De l’enfant palestinien de Gaza sous les bombes. Du migrant fauché dans son espoir d’une vie meilleure. Ce celui ou celle qu’on méprise ou ignore ou rejette dans notre société.
Dieu, le premier, avant la création du monde, se fait le dernier. Pour être là dans les moments les plus terribles et les plus terrifiants de notre existence. Il est là, présent aux jours de détresse et de désespoir. Pour que nous vivions. Car c’est sa vie qu’il donne aujourd’hui, non pas sa mort qui ne nous servirait de rien. C’est son amour qu’il nous manifeste jusque dans le dépouillement le plus total, jusqu’à donner sa mère à son disciple Jean. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Cette question n’a d’autre écho que le silence. Comme peut-être parfois dans nos vies quand on crie vers le ciel. Mais elle n’est pas sans réponse. La réponse, elle est donnée par le geste de deux disciples de la dernière heure : Joseph d'Arimathie et Nicodème.
« Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus. »
Tendresse de deux hommes pour le corps d'un mort. N’est-ce pas déjà la première lueur de Pâques ? Mais personne ne le remarque parce que l’amour du prochain non plus, ça ne fait pas de bruit.
JEUDI SAINT 2025
Il y a un conte de fée que j’aime bien, c’est Cendrillon. La petite souillon habituée à faire les plus sales corvées est transformée par sa bonne marraine en une belle princesse... Quand minuit sonne, elle s’enfuit en perdant sa pantoufle de vair...et c’est ce qui permettra au prince charmant de la retrouver : en se mettant à ses pieds pour lui signifier son amour.
Vous voyez où je veux en venir : aux pieds ! C’est rare que les histoires d’amour s’intéressent à cette partie du corps que sont les pieds. Mais laissez-moi encore évoquer une anecdote de la vie de la petite Thérèse.... On raconte que sur son lit de malade, elle dit un jour à sa soeur : " Je voudrais vous donner un témoignage d¹amour que personne ne vous a jamais donné " et alors elle avait sorti son petit pied nu de ses couvertures et en avait caressé le visage de sa sœur assise auprès d’elle. Celle-ci fut tellement surprise qu¹elle n¹osa raconter ce geste que bien des années plus tard. (Dernier entretiens, p. 478, Cahier Jaune, 16 juillet)
Au téléphone avec un frère, je lui disais que cela m’amusait de vous raconter cette petite anecdote ce soir ; et ce frère de me dire tout aussitôt : Mais tout de même, fais attention ! IL ne faut pas choquer les sœurs avec tes histoires de pied Une homélie, ce n’est pas fait pour provoquer !
Ne pas provoquer ! Mais l’Evangile, sœurs et frères, peut-il donc surgir ailleurs que là où nous somme provoqués, touchés, atteints ? Est-il d’ailleurs seulement possible de parler du Christ mort et ressuscité, le cœur de notre foi, autrement qu’en disant, non pas la formule sèche d’un credo, mais en disant ce que nos yeux ont vu, ce que nos oreilles ont entendu, ce que nos mains ont touché, palpé...C’est éminemment charnel et corporel la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ livré pour nous.
Et ce soir, cela passe par les pieds, et il y a en effet de la provocation dans le geste de Jésus ; et Pierre l’a bien senti : Ah non Seigneur, tu ne vas pas me laver les pieds ! C’est indécent ! Ce n’est pas digne de toi...c’est le travail des esclaves !
Et le geste de Marie de Béthanie, quelques jours plus tôt, n’est-il pas provoquant, quand elle verse un parfum de grand prix sur les pieds de Jésus et qu’elle les essuie avec ses cheveux ? Du gâchis, diront certains. Non, dira Jésus, de l’amour !
S’il y a quelque chose de provoquant, il y a surtout quelque chose d’intime dans le geste délicat que Jésus fait ce soir en lavant les pieds de ses disciples. Il y a même en germe quelque chose d’extrême, car les histoires d’amour, vous le savez bien, s’arrêtent rarement aux pieds. C’est encore Pierre qui le signifie : Pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête... Et c’est même du corps tout entier qu’il sera question ce soir : prenez, mangez, ceci est mon corps, livré entre vos mains.
Sœurs et frères, nous sommes là au cœur du mystère que nous célébrons en ce premier jour du triduum pascal. Et c’est un mystère d’amour. Il n’y a pas d’un côté le geste du lavement des pieds et de l’autre un repas que l’on partage. C’est tout un. C’est le mouvement de celui qui aime et qui aime les siens jusqu’au bout.
Certes, habituellement, c’étaient les serviteurs et les esclaves qui lavaient les pieds de leur maître, et ce n’est pas faux de dire que, en inversant les rôles, Jésus ouvre le chemin d’une liberté qui ne se trouve pas ailleurs que dans le service du frère. Mais il y a plus, bien plus : une épouse pouvait aussi laver les pieds de son mari. C’est ce que fait Jésus ce soir : en lavant les pieds de ses disciples, il est l’époux qui lave les pieds de l’Eglise symbolisée par les Douze ; il est l’image de l’époux qui ne fait plus qu’un avec son épouse, celui qui ne fait plus qu’une seule chair avec la chair de sa chair : prenez, mangez, prenez, buvez !
Le corps même du Seigneur se donne à toucher et lui-même touche notre corps. Nous mangeons son corps et nous buvons son sang. Prenez, mangez ! Prenez, buvez ! Et l’union se veut si forte que nous devenons ce que nous partageons. Nous devenons une seule chair. Non pas chacun comme individu, mais c’est toute l’assemblée, toute l’Eglise qui vit cette communion intime. C’est nous tous qui formons un seul Corps, le Corps du Christ livré.
Notre Dieu, ce soir, se donne corps et sang pour nous faire vivre. Il nous montre comment devenir le pain que nous mangeons et le vin que nous buvons. Il nous invite à sa table et se donne dans le geste de l’amour, nous étreignant tout entier, des pieds à la tête, et faisant sa demeure au-dedans de nous. Impossible de quitter cette table, sœurs et frères, sans être transformé, guéri, ressuscité !
Vous aussi, faites comme j’ai fait pour vous ! Nous sommes appelés à vivre dans nos vies le même don de nous-mêmes que celui dont Jésus a témoigné par sa vie et par sa mort. Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! Et pourtant cette communion d’amour demeure blessée dans ces jours qui sont les nôtres. D’abord à cause de tous ces scandales des abus dans lesquels des hommes, des femmes, des enfants, dans leur corps et dans leur âme, ne sont pas respectés. Et puis, sur un autre registre, c’est une blessure dans le corps du Christ que certains soient exclus de cette communion ; et c’est une déchirure douloureuse que les chrétiens des différentes églises ne puissent s’asseoir à une même table eucharistique.
Jésus, ce soir, il sait qu’il va mourir et qu’il a été trahi et qu’il sera renié et qu’il restera seul face à ses détracteurs. Se sachant exclu, il n’en rassemble pas moins les siens jusqu’au bout et de cet amour il ne veut exclure personne : à Pierre et à Judas comme aux autres, il partage le pain ; de Pierre comme de Judas, il lave les pieds. Vous ferez ceci en mémoire de moi !
Jésus dit au larron crucifié avec lui : Aujourd’hui tu seras avec moi au paradis. Aujourd’hui, et quelle que soit la saleté de tes pieds, toi qui a tant marché sur les routes souvent chaotiques de la vie !
Le Dieu de notre foi est un Dieu qui veut la vie de ses enfants, quoi qu’il arrive sur le chemin. C’est pour cela que cette histoire d’amour ne s’arrête pas aux pieds. Quand nous serons au pied de la croix, alors comme il l’a promis, il sera élevé et attirera tout à lui, pour nous remettre dans les bras du Père.
Rameaux
Aujourd'hui s'ouvre la Semaine Sainte par l'entrée de Jésus à Jérusalem.
Jésus vient de Jéricho (Luc19,1). il monte à Jérusalem passe à Bethpagé et Béthanie, hameaux sur le Mont des Oliviers et envoie deux disciples aller chercher un âne, sur lequel il entrera dans la ville de Jérusalem.
"Déjà il approchait de la descente du mont des Oliviers entourés de ses disciples". ils sont tout heureux, enfin Jésus vient à Jérusalem ! Depuis le temps qu'il annonçait la venue du royaume. Mais ils n'ont pas encore compris quel roi est Jésus, quel royaume il est venu annoncer. "Les disciples se mettent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu'ils avaient vus" et chantent le psaume 118:117 :"« Béni soit celui qui vient,le Roi, au nom du Seigneur. " puis "Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! ». Cette phrase nous rappelle celle que chantaient les anges à la naissance de Jésus en luc 2,14 et suivant : Dès que l'ange vient annoncer la naissance d'un Sauveur , le Christ les anges se mettent à chanter les louanges de Dieu : "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre pour les hommes"... Un petit mot a changé, la paix est passé de la terre au ciel. Les anges dans le ciel proclament la paix sur terre et les disciples sur terre proclament la paix dans le ciel. Ces derniers célèbrent la paix que Dieu seul peut donner. Paix à accueillir, à recevoir, qui passe par le don de la vie de Jésus-Christ, Fils de Dieu. C'est ce que nous célébrons cette semaine.
Moi non plus je ne te condamne pas
Méditation 5ème Dimanche de Carême – 30 mars 2025
Aujourd'hui nous entendons le récit de l'évangile de la femme adultère. Jésus, après avoir prié au mont des Oliviers, va au Temple pour enseigner. Là il est pris à parti par des scribes et des pharisiens, qui lui amènent une femme prise en flagrant délit d'adultère. Dans ce récit deux personnes sont prises au piège, la femme adultère et Jésus. Ils demandent à Jésus de se positionner par rapport à la Loi. Mais Jésus n'entrera pas dans leur jeu, il s'abaisse et écrit sur le sol. Et comme ses protagonistes insistent, Jésus les renvoie à eux-mêmes : "Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter une pierre". Et se baisse à nouveau et écrit sur le sol. Jésus ne les juge pas, il les dégage même de son regard.
Avec ironie saint Jean nous dit qu'ils partent les uns après les autres, en commençant par les plus âgés.
Alors le dialogue s'instaure entre Jésus et la femme. Comme au lavement des pieds, Jésus la regarde de bas en haut, il est certainement assis sur le sol comme tout rabbi qui enseigne. La femme est là, debout , au milieu. "Femme, où sont-ils donc ? personne ne t'a condamnée ?" Non personne . Et Jésus lui dit, "moi non plus, je ne te condamne pas. Va désormais ne pêche plus."
Elle que les scribes avaient placée au milieu d'eux, prise au piège, le cercle est ouvert : Va !
Le seigneur lui a ouvert un chemin de vie, un chemin de vie qui a ses exigences : ne pêche plus, mais c'est l'exigence de l'amour, celle d'un Dieu ui nous aime et qui nous veut vivant.
Alors que nous approchons de la semaine sainte, nous pouvons au Seigneur de nous libérer de regards, de paroles qui nous ont emprisonnés, qui nous emprisonnent encore. Les déposer devant lui devant la prière.
Et lui déposer aussi nos propres paroles de jugement, d'enfermement.
Nous sommes appelés à la vie !
Lecture du 5e dimanche de carême
Je suis Celui qui suis
Méditation 4ème Dimanche de Carême – 30 mars 2025
« Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion » (Luc 15, 20)
Au milieu du carême, la liturgie nous donne de célébrer le dimanche de la joie, « Laetare », ce qui signifie « réjouissez-vous ». C’est le premier mot de l’antienne grégorienne que nous chantons au début de la messe « Laetare Jerusalem », « réjouissez-vous avec Jérusalem, soyez pleins d’allégresse » (Isaïe 66, 10-11). C’est la joie de la réconciliation, du retour du fils perdu, de l’amour inconditionnel de Dieu pour tous. « Il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! » (Luc 15, 32).
Telle est la finale de l’évangile de ce jour, celui de la parabole du fils perdu et du fils fidèle. Elle nous est bien connue et nous pouvons la lire ou l’entendre sans l’écouter vraiment, sans se laisser de nouveau interpellé par le texte.
Que me dit l’attitude des personnages, du fils cadet, du fils aîné, du père, des serviteurs ? Le fils cadet quitte la maison de son père avec la part qui lui revient (en grec les termes employés, substance, vie, se réfèrent à l’être et non à l’avoir) pour trouver une vie meilleure, loin de son père. Après avoir tout perdu et étant dans la misère, il rentre en lui-même et prend la décision de revenir vers son père avec humilité. Il était perdu, mort et il est revenu à la vie. « Je me lèverai » (15, 18), « il se leva » (15, 20) c’est le même verbe qui est employé pour dire la résurrection.
De loin, le père l’aperçoit et est saisi de compassion, il l’accueille avec tendresse. Le fils comprend alors l’amour du père, amour sans mesure qui donne tout. Le fils aîné, fidèle et obéissant à son père, ne comprend pas qu’il possède déjà tout. Cet évangile nous invite à accueillir l’amour de Dieu, quelle que soit notre situation, notre vie, à nous laisser réconcilier avec Dieu comme nous l’exhorte Paul dans la 2ème lecture (2 Co 5, 17-21). Comme le père de la parabole, Dieu attend que nous revenions vers lui pour nous manifester toute sa miséricorde. C’est pourquoi il faut se réjouir.
Sœur Anne Delphine
Lectures du 4eme dimanche de carême
Je suis Celui qui suis
La 1ère lecture de ce dimanche, (ex.3,1-15), nous raconte la vocation et la mission de Moïse. Devenu berger dans le massif du Sinaï, il y rencontre Dieu. Et Moïse demande à Dieu, « quel est ton nom ? » Pouvoir nommer quelqu’un par son nom, c’est entrer en relation avec lui. Dieu consent à livrer un nom qui le désignera, un nom à quatre consonnes YHWH : « Je suis celui qui Suis ».
On ne peut connaitre Dieu, à moins de faire l’expérience de sa présence et de son action pour les hommes. Il est le Dieu qui voit la misère de son peuple, qui entend ses cris, qui connaît ses souffrances. Il est avec le pauvre dans l’angoisse, avec le petit réduit à la misère, avec l’humilié sous la botte de l’oppresseur. Il voit mes difficultés. Il voit mes tourments. Il est avec moi.
C’est une invitation à laisser chanter en nous la Parole de Dieu qui redit, aujourd’hui, à chacun « Je suis avec toi » ou comme il est écrit au psaume 90 de ce jour « Dans la détresse, je suis avec lui. ».
soeur Tiphaine-Marie
Lecture du troisième dimanche de carême
Le récit de la transfiguration, en ce 2e dimanche de carême, nous raconte comment Jésus prend avec lui Pierre, Jean et Jacques et qu’il gravit la montagne pour prier.
Luc est le seul à préciser que c’est pendant qu’il prie que Jésus est transfiguré devant eux.
Sa relation au Père est telle qu’il en est transformé – on pourrait dire que cela déborde de lui – et les disciples sont les témoins de ce qui lui arrive : ils voient la gloire de Jésus.
Mais le plus extraordinaire c’est qu’ils sont, eux aussi, pris dans la prière de Jésus, dans sa relation à son Père ; et la nuée, qui est le lieu de la présence de Dieu, les enveloppe tout entier de sa bienveillance. Le secret leur est révélé : « celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ».
Nous aussi, nous sommes invités à entrer dans l’intimité, dans la relation d’amour du Père et du Fils, puisque nous sommes les enfants bien aimés du Père.
Nous aussi, nous pouvons être en prière, sous la nuée, nous pouvons écouter la voix qui retentit : « écoutez-le », et nous mettre à l’écoute de Jésus seul.
Que Jésus transfiguré aujourd’hui sur la montagne nous transfigure tout entier, et que sa Parole soit notre guide au long de ce carême.
soeur Dorothée
Lectures du deuxième dimanche de carême
En ce premier dimanche de carême nous entendons l'évangile de Jésus qui part au désert. Ce récit se trouve après l'épisode du baptême de Jésus au Jourdain, là où Jésus entend la voix du Père proclamer : "Tu es mon fils bien-aimé en qui j'ai mis toute ma faveur". C'est avec cette confirmation de son identité de Fils de Dieu que Jésus part au désert, où justement le diable viendra le tenter en jouant avec cette phrase :"Si tu es le Fils de Dieu....".
Depuis le mercredi des cendres, nous sommes également partis au désert, ce lieu où Dieu se révèle où il fait alliance avec son peuple, où il nous révèle son amour. Pour nous aussi, nous sommes partis avec gravé au plus profond de notre cœur cette phrase entendue le jour de notre baptême : "Tu es mon enfant bien-aimé". Nous serons peut-être tentés d'en douter, de la remettre en cause. Mais nul ne pourra nous enlever notre identité de fils de Dieu.
Avançons avec confiance, espérance vers le jour de Pâques, ce jour où la Vie jaillit du tombeau, où le Christ a vaincu toute mort. En ce temps de carême accueillons la vie que Dieu veut nous donner en abondance, Lui qui fait toute choses nouvelles.
Lectures du premier dimanche de carême