Actualités de Prailles

Pour méditer :

Pour méditer ces jours, nous vous partageons les homélies de frère Jean-Luc-Marie Foerster, dominicain, que nous avons entendues au monastère de Prailles.

Homélie de Pâques 2024 PRAILLES

         Il semble bien, chers frères et sœurs, que nous tenions, en la personne de Marie-Madeleine, la première héroïne du monde nouveau, ce monde que le Christ fait advenir par sa glorieuse résurrection. Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin, voit que la pierre a été enlevée et aussitôt court trouver Pierre et Jean, pour leur dire ce qu’elle a vu...

Marie Madeleine, la pécheresse repentie qui aimait Jésus de tout son cœur, comme la première messagère de la lumière nouvelle, la toute première messagère du premier matin du monde nouveau...  C’est génial !   

C’est génial, mais il y a un hic, car si l’on regarde avec attention ce que raconte l’évangéliste Jean, on remarque quelque chose d’assez surprenant : ce que Marie-Madeleine annonce à Pierre et à Jean, ce n’est pas du tout la résurrection de Jésus ! Elle leur annonce qu’on a volé son corps et qu’on l’a caché quelque part... C’est clair : à ce moment-là, pour Marie-Madeleine, le Christ n’est pas ressuscité : que le Christ soit ressuscité, c’est une hypothèse qui ne lui traverse même pas l’esprit ; Jésus est toujours pour elle un cadavre, un cadavre qui a disparu.

Mais tout de même, allez-vous me dire en vous raccrochant aux branches, en courant voir les apôtres, elle a fait le premier pas ; grâce à elle, Pierre et Jean, vont pouvoir aller plus loin : se précipiter à leur tour au tombeau, remarquer les signes laissés, oser entrer, regarder... Et enfin, la lumière va jaillir, la pure lumière de la foi pascale : « l’autre disciple, celui que Jésus aimait » entra à son tour dans le tombeau ; « il vit et il crut »...

Ce serait génial : la vraie foi qui naît au terme d’un processus à la fois de transmission par d’autres et de décision personnelle : décision prise par Jean d’entrer, de regarder et finalement de croire... Seulement, là encore, je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit bien ce que raconte l’Évangéliste. Saint Augustin, commentant ce passage, se demande ce que Jean a compris en voyant de ses yeux le tombeau vide.  Il a cru, mais cru quoi ? Il a cru ce qu’avait dit Marie-Madeleine, que le corps de Jésus avait effectivement disparu et avait sans doute été volé... autrement dit que lui non plus, à ce moment-là, ne croyait encore absolument pas à la résurrection...

Nous voilà plongés dans l’embarras : l’Évangéliste aurait-il donc voulu nous raconter qu’au matin de Pâque, malgré tous les signes présents, malgré toute la foi qu’ils avaient déjà en Jésus, Marie-Madeleine, Pierre et Jean n’ont décidément rien compris, que la seule nouvelle qu’ils se soit transmise est celle du vol du corps de Jésus, et qu’ils soient ainsi rentrés chez eux, comme le dit la suite du texte, au lieu de clamer la Bonne Nouvelle ? Hé bien, oui, je crois que c’est ce que l’Évangéliste a voulu raconter.

Mais je crois également que ce récit contient un enseignement ô combien profond et salutaire. De même en effet que le Christ a dit : « Il ne suffit pas de crier : “Seigneur, Seigneur !”, pour appartenir véritablement au Seigneur, de même, il ne suffit pas de crier “Le Christ est ressuscité, le Christ est ressuscité !”, pour que la foi vive véritablement en nous et que nous la transmettions aux autres.

Ce que saint Jean a voulu nous dire, c’est que même dans la lumière très pure du matin de Pâque, la foi en la résurrection n’est jamais quelque chose d’évident : la foi, ça ne va jamais absolument de soi.

« Recherchez les réalités d’en haut », nous dit saint Paul, « c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu »... Ici bas, il n’y a qu’un tombeau vide, et des signes ambigus, à jamais incapables à eux seuls de nous donner l’assurance mystérieuse qui est celle propre à la foi.  

L’évangéliste Jean veut nous faire comprendre qu’au cœur de la foi pascale il y a et il y aura toujours un vide ; au cœur de notre cœur, même habité par la foi, il y aura toujours une inquiétude : parce qu’au cœur de la foi, il y a Dieu, et que nul ne peut mettre la main sur Dieu.

 « Heureux celui qui croit sans avoir vu ! »

Soyons donc, sœurs et frères, dans la lumière radieuse du matin de Pâque, comme Marie-Madeleine, et comme Pierre et comme Jean : aimons et cherchons le Christ ressuscité ; suivons-le sur des chemins dont nous ne savons pas exactement d’avance où ils nous mèneront... C’est cela, la foi du matin de Pâques !

Amen !

frère Jean-Luc-Marie Foerster


Vigiles Pascale PRAILLE 2024.

Sans doute qu’il fait déjà un peu jour, mais c’est tellement tôt le matin qu’il fait encore un peu noir ! C’est encore la nuit et pourtant déjà les premières lueurs du jour pointent au-dessus de l’horizon. Un coq dans le lointain, soudain, se met à chanter. D’ailleurs, c’est sûr qu’il fait un peu jour, car s’il ne faisait pas déjà un peu jour, les femmes auraient eu peur et elles ne se seraient pas aventurées toute seules dans le noir ; à moins qu’une lumière intérieure, forte, frémissante, les ait mises en route alors qu’il fait encore nuit ! Mais en même temps, c’est sûr qu’il fait encore nuit, parce que les hommes, eux, ils dorment encore.

Ce qui est sûr, c’est que c’est la nuit maintenant, et pourtant nous sommes là, à veiller, à écouter des histoires, de ces vieux récits que l’humanité laisse résonner dans son cœur depuis si longtemps.

Il est une tradition juive qui rapporte que toutes les nuits ne se ressemblent pas. Il y a des nuits qui ne sont en rien semblables aux autres nuits. Ce sont des nuits où Dieu prend des décisions importantes ; des nuits où Dieu s’assied pour penser ; et voilà que ce qu’il pense se réalise sans attendre ! On dit qu’il y aurait dans la vie du monde quatre nuits, ce n’est pas beaucoup quatre, mais chacune serait particulière, différente de toutes les autres.

 

La première de ces nuits, c’est la nuit des commencements, cette nuit où Dieu décide de créer la vie. Et il se met à imaginer le monde avec tendresse et sagesse ; il dit et cela est : le ciel, la terre, la mer, les animaux et les fleurs et le soleil, et l’homme et la femme. Et Dieu se met à aimer cette vie qu’il a créée et il s’y attache.

La première des nuits, c’est la nuit de la création. Sœurs et frères, si c’était aujourd’hui la nuit où l’homme ancien est revêtu de l’homme nouveau ? Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ !

 

Et puis il y a la deuxième nuit. C’est une nuit d’été toute remplie d’étoiles, la nuit où Dieu plonge Abraham dans l’obscurité des cœurs brisés par la souffrance et l’incompréhension, et c’est la nuit où Dieu fait une promesse à notre vieil ancêtre. Il lui promet beaucoup d’enfants, à lui qui s’était résigné à perdre le seul qu’il avait de sa femme Sarah ; il lui promet une terre, à lui qui avait erré si longtemps sur les terres de Mésopotamie, franchissant les fleuves du Tigre et de l’Euphrate et traversant les déserts de la soif ; il lui promet une alliance, éternelle : Dieu donne la vie à un peuple et il s’engage à l’accompagner, toujours.

Cette deuxième nuit, c’est la nuit de la promesse. Sœurs et frères, si c’était aujourd’hui la nuit où Dieu t’arrache à ta nuit et à ton doute ? Si c’était maintenant la nuit de Dieu avec nous à jamais ?

 

La troisième de ces nuits, c’est la nuit du grand passage ; cette nuit où le peuple hébreu goûte à la liberté. C’est la nuit de l’espérance qui fait sortir de l’esclavage  de l’Egypte. C’est la nuit du pain sans levain, cuit à la hâte. C’est la nuit où Dieu dit à son peuple : Marche ! Et Dieu est dans la joie de la vie qu’il donne. Et c’est la nuit aussi où Dieu pleure sans doute ses enfants égyptiens morts sur les rives de la mer…

La troisième nuit, c’est la nuit de la traversée de la Mer rouge, le passage vers la terre promise. Et si c’était notre humanité appelée à la liberté qui était cette terre promise ? Passons à la vie avec le Seigneur !

 

Et puis, dit la tradition juive, il y aura une quatrième nuit : c’est la nuit du salut où Dieu enverra son Messie.

Et si c’était aujourd’hui, sœurs et frères, cette nuit ?

 

C’est la nuit où Dieu est né, petit enfant ; la nuit où Dieu annonce aux hommes de toutes langues, races et religions qu’ils sont aimés et qu’ils ont du prix à ses yeux. C’est la nuit où Dieu transforme les cœurs de pierre en cœur de chair. La nuit où le morceau de pain et la coupe de vin prennent un sens nouveau, nuit de l’angoisse, du reniement, de la condamnation à mort. C’est la nuit, c’est cette nuit où la vie triomphe sur la mort, la nuit où tombent les bandelettes qui entourent les cadavres, la nuit où tombent les chaînes qui tenaient l’homme captif, la nuit où l’aveugle voit comme en plein jour, où le muet se met à parler et le paralytique à marcher. C’est la nuit où toutes larmes sont séchées, où la colère des visages s’apaise, où le poing serré de la vengeance se détend pour laisser place à la réconciliation. C’est la nuit où l’éternité l’emporte sur le provisoire, la nuit où la pierre est roulée de devant les tombeaux ténébreux où nous sommes si souvent enfermés et retenus par le désespoir et la désillusion et le découragement.

 

Sœurs et frères, la pierre roulée n’est-elle pas le signe que tout peut commencer ? Et que Dieu tient sa promesse ? Et que l’espérance est possible malgré la peur qui nous tient au ventre ?

Christ est ressuscité, alléluia ! Christ est vraiment ressuscité !

 

Soeur, frère, regarde ! Il vient le temps de Dieu où il n’y aura plus de nuit ! Regarde : le jour est dans ton cœur, le jour est dans tes mains ! Porte le jour au monde !

frère Jean-Luc-Marie Foerster


VENDREDI SAINT 2024 PRAILLES

Tout commence donc dans un jardin. Jésus traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin dans lequel il entra avec ses disciples. Et tout finit dans un jardin. A l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et dans ce jardin un tombeau neuf.

La passion de Jésus se déroule entre deux jardins ; en tout cas l’évangéliste Jean a à cœur de nous présenter les choses comme cela. Le jardin de Gethsémani et le jardin du Golgotha.

Souvenez-vous, dans l’ancien testament, on évoque deux jardins.

Le premier est le jardin du paradis, dans le livre de la Genèse, d’où Adam et Eve sont chassés pour avoir désobéi. Ici, le Christ, nouvel Adam, revient dans le jardin des origines. Avec le désir profond d’obéir : « Père, que ta volonté soit faite et non la mienne ». Une nouvelle histoire peut commencer.

L’autre jardin est celui où se déroulent les poursuites amoureuses de la bien-aimée et de son bien aimé dans le Cantique des Cantiques. Pour l’évangéliste Jean, ce qui se joue dans la passion du Seigneur est une histoire d’amour. La nouvelle histoire qui commence est une histoire d’amour. Avec Dieu : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Avec les autres : « Femme, voici ton fils ! Jean, voici ta mère ». avecl’humanité entière.

La mort de Jésus, comme toute sa vie d’ailleurs, accomplit les Ecritures. « Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : "Tout est accompli" et, inclinant la tête, il remit l’Esprit »

La mort de Jésus accomplit et les Ecritures mais pas seulement les Ecritures, elle accomplit « tout » ! C’est la création tout entière– et le jardin des origines et le jardin du Cantique des Cantiques et nos jardins secrets à chacune et chacun - qui est accomplie. Comment ne pourrait-on pas alors contempler la mort du Christ avec les mots de la Genèse : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait, c’était très bon. » N’est-ce pas ce que dit Dieu aujourd’hui ?

N’allons pas dire que la mort de Jésus soit bonne. La mort est toujours détestable. « Dieu n’a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la mort des vivants » dit le livre de la Sagesse. Mais Dieu a donné son fils parce qu’« il a tant aimé le monde et pour que nous ayons la vie. » . Le don de Dieu, parce que c’est Dieu lui-même qui se donne, ça, c’est très bon.

Tout est accompli dans ce don, tout est mené à sa plénitude, mais tout est-il achevé, fini, terminé pour autant ? « J’ai soif » dit Jésus avant de rendre l’esprit. « J’ai soif ».

La mort n’a pas le dernier mot. Jésus a soif. Il a soif de paix. Il a soif de réconciliation. Il a soif de vie. Il y a en lui un désir infini de vie. Jusqu’au bout et par-delà la mort. Pour lui. Pour nous.

« Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. »

Jésus a soif des fleuves d’eau vive auxquels il invite à se désaltérer. « "Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive".

C’est à nous qu’il dit cela aujourd’hui ? Quelle est notre soif ? Quelle est notre faim ? Quel est le désir qui nous habite ? Quel rêve avons-nous pour notre vie ? Quel rêve avons-nous pour le monde ? Quel rêve avons-nous ensemble pour l’avenir de notre monde ?

De son sein coulent en ce vendredi des fleuves d’eau vive. C’est l’Esprit qui nous est donné. Esprit d’amour et de vie. C’est le jardinier du matin de Pâques qui le sème en nos cœurs.

« Et inclinant la tête, il remit l’Esprit. »

frère Jean-Luc-Marie Foerster


JEUDI SAINT 2024 PRAILLES

Et Jésus prend un linge qu’il se noue à la ceinture…

Ce n’est pas seulement un tablier que le Christ se noue à la taille ce soir-là ; ce qui se noue ce soir-là, c’est toute la vie du Christ ; c’est toute la vie du monde. Notre vie à chacun.

« Alors, ne me lave pas seulement les pieds » dit Pierre. Mais aussi les yeux, dit l’aveugle Bartimée ; et aussi les oreilles, dit l’enfant sourd ; et aussi mes bras, dit le paralytique ; et ma main, dit l’homme à la main desséchée ; et mes lèvres, dit le muet ; et mon corps tout entier dit le lépreux ; et mon cœur dit la femme adultère ; et mon regard, dit l’homme qui a une poutre dans son œil ; et ma foi, dit le centurion, purifie ma foi, car j’ai du mal à croire.

Ils sont là ce soir, tous ceux que le Christ a touché au cours de ses déplacements entre Jérusalem, la Samarie et la Galilée. Ils sont tous là, ceux qui d’une manière ou de l’autre, étaient à l’écart, dehors, loin de chez eux, loin de leur vie.

Avec autour d’eux un mur de bien pensants, les scribes, les pharisiens, les prêtres ; des gens persuadés que pour être bien chez eux, en toute sécurité, en tout confort, sans courir le risque d’être contaminé et de se retrouver impur, il fallait exclure tous ceux que la loi de Dieu déclarait infréquentables à cause de leur péché. Mais Jésus fait le contraire ; il s’approche ; il touche. Comme il le fait ce soir avec les pieds de ses disciples, en les lavant. Il dit ainsi à tous les rejetés de partout, et à ceux qui se rejettent parfois eux-mêmes aussi, qu’il est un lieu où ils seront toujours chez eux, et c’est chez lui, avec lui, dans le creux de sa main, là où il les sert humblement (du verbe servir) comme ses frères, comme ses sœurs ; là où il les serre tout contre lui (du verbe serrer), par amour, et en commençant par les plus petits et les plus faibles. N’est-ce pas dans la proximité du Christ que nous sommes chez nous ?

C’est le sens du corps livré ce soir ; pas un corps qui ne fait que nous effleurer. Mais un corps qui se donne. Prenez ! Mangez ! Prenez ! Buvez ! Un corps qui nous rend à nous-mêmes car par son corps, nous sommes intégrés dans la communauté de son Corps qui est l’Eglise, l’Eglise du ciel et de la terre. Notre vrai chez nous.

N’est-ce pas ce soir que Jésus prend les pieds de Juda pour les laver ? N’est-ce pas ce soir que Juda reçoit de la main même de son Seigneur la communion à son Corps ?  Ultime tentative de n’en perdre aucun, à tout prix. C’est cela aimer jusqu’au bout. Jésus ce soir ne lave pas seulement les pieds de ses disciples ; il lave l’humanité entière. Non avec de l’eau et du savon ; avec sa vie. Sa vie donnée dans la liberté suprême de celui qui sert ses frères jusqu’à mourir sur une croix. Lui, le maître et Seigneur, aux pieds de ses disciples, se faisant serviteur, imprimant dans la paume de ses mains l’empreinte de leur pas, c’est-à-dire de leur vie toute entière, et comment ils ont aimé et comment ils ont espérés et comment ils sont tombés.

Lavez-vous les pieds les uns aux autres ! Voilà ce qu’il nous dit. (Pas une fois par an comme je le ferai tout à l’heure.) Mais tous les jours. Et c’est au sens propre d’abord pour tous ceux qui font cela dans les hôpitaux ; et pour tous ceux qui soignent les pieds ensanglantés dans les lieux de guerre, d’embuscade, d’attentat. Mais cela veut dire aussi : respectez-vous les uns les autres ! Touchez-vous les uns les autres, sans peur, sans prendre ni posséder, mais en accueillant et en donnant ! Servez-vous mutuellement ! Servez-vous !

Nous vivons dans une société où on en arrive à faire des lois sur tout : contre la xénophobie, le sexisme, le racisme, l’homophobie…Des lois pour protéger, défendre, encadrer nos comportements parce que nous avons comme perdu le sens du service de nos frères ; le sens du respect de l’autre ; parce que notre  liberté, c’est devenu de se servir soi d’abord ! Alors que notre liberté la plus grande est dans le service des autres. Le premier venu n’est-il pas plus grand que nous ?

Quand on regarde autour de nous, l’inquiétant, ce n’est pas tant que les chrétiens diminuent en nombre, ou les pratiquants ou les croyants ; c’est bien plus grave, frères et sœurs : c’est que  l’évangile n’irrigue plus nos cœurs ni nos regards ni nos mains !

Ce soir, il s’agit donc de nouer. De rassembler et non d’exclure.

Nouer et non exclure, parce que la vie est en jeu et Dieu le sait qui pèse de tout son poids dans la balance de la croix pour que nous ne perdions pas la vie ! Prenez ! Mangez ! Prenez ! Buvez ! Ce soir se célèbrent le pain et le vin de la vie ! L’eucharistie au cœur de nos vies n’est ni facultative ni obligatoire. Elle est vitale. Pour nous chrétiens, c’est là qu’est la source, pour aimer comme il a aimé. C’est à cette table qu’on peut trouver de quoi vivre de lui ; de quoi vivre de son Esprit. Prenez ! Mangez ! Prenez ! Buvez !

Comment ne pas être éblouis et transformés par tant de miséricorde et de générosité à notre égard ? Ne perdons pas notre temps à nous demander sans cesse si l’on est digne de communier !  Et cessons de faire des règlements pour écarter ceux qui n’en seraient pas dignes !  Pauvre Christ qui n’en finit pas d’espérer que nous soyons plutôt un jour dignes non de ce que nous allons célébrer mais dignes de ce que nous avons célébré !

Dignes de ce que nous avons célébré ?  c’est savoir donner et recevoir plutôt que prendre et accaparer. Servir plutôt que se servir. Aimer plutôt que juger ou condamner. Dénoncer plutôt que se résigner à l’injustice. Et pour cela, « Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres ! Dieu n’a pas d’autres pieds que les nôtres ! Dieu n’a pas d’autres yeux que les nôtres ! » C’est toute notre vie qui peut changer le monde. Et c’est parce que, par ce partage dans la communion au Corps et au Sang du Christ, nous avons Dieu au corps, Dieu dans la peau, Dieu dans le sang.

Oui, c’est ainsi que tout se noue ce soir et à jamais, au cœur de notre corps et dans le corps de nos vies. C’est dans nos tripes que se noue la rage. La rage d’aimer comme il nous aimés. 

frère Jean-Luc-Marie Foerster


PRAILLES DIMANCHE DES RAMEAUX 2024

Peut-on prêcher la Semaine Sainte ? Est-ce que les mots ne vont pas défigurer ce que nous célébrons ? Peut-être vaudrait-il mieux se taire et faire silence. Et vivre tous les jours de notre vie ce que nous allons célébrer !

On vient d’entendre le récit de la Passion dans l’Evangile de Marc. Dans un monde qui ne va pas bien, où il y a beaucoup de guerres et de troubles, comment trouver la paix avec une parole qui nous raconte la mort de celui dont on attendait tout ? Marc ne nous épargne rien de l’histoire de Dieu avec les hommes traverse le mal, l’exclusion, la fuite et la trahison. Et nous qui aimerions une histoire de bonheur et de réussite pour notre vie !

Jésus est seul. Il entre dans la nuit de l’arrestation, de la condamnation et de la mort. C’est là qu’il aurait besoin d’être entouré de quelques amis. Mais voilà ces amis s’endorment ou flanchent ou trahissent. Jésus prend ses amis comme ils sont, avec leurs faiblesses et leurs contradictions. C’est sans doute une consolation pour nous qui sommes de ses amis.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas une tentative de résistance de la part des disciples. L’un coupe même l’oreille du serviteur du grand prêtre. Dans une situation d’agression, il faut bien se défendre. Qu’on pense à l’Ukraine, à Israël. Mais si l’agressé devient agresseur, on pense à la situation de Gaza, où cela s’arrêtera-t-il ? La position du Christ est claire : la non-violence. Range ton épée. Le projet de Dieu pour le monde est un projet de vie. C’est bien de le réentendre au début de cette semaine qui sera pleine de violence pour Jésus. De le réentendre dans notre monde si violent.

C’est bien de le réentendre pour notre vie de chrétiens. Le christ m’invite à veiller et je m’endors. Comment être présents à notre monde ? Comment y être témoins que Dieu est un Dieu qui veut la vie et pas la mort ?  

Il est bon en effet, en ce début de Semaine Sainte, de faire un peu le ménage dans les images que nous pouvons avoir de Dieu.

Jésus est Seigneur pour nous entrainer à donner notre vie comme il donné la sienne, gratuitement, pour Dieu, parce que Dieu est amour et que Dieu en Jésus a donné sa vie gratuitement, par amour.

Dans les jours de la Passion, il n’est pas question d’un Dieu qui livrerait son fils, de façon sadique, à la mort pour qu’il paye pour les autres. En Jésus, c’est Dieu lui-même qui se donne. Dieu n’a pas besoin d’une victime pour assouvir sa colère. Dieu donne sa vie à lui pour nous arracher au péché et à la mort. Jusque dans la mort, Dieu donne sa vie à lui et nous manifeste qu’il est pardon et amour. Qu’il nous tire de la mort par amour.

C’est ce beau mystère de vie et d’amour que nous allons méditer toute cette semaine. Inutile d’être tristes, nous allons découvrir un Dieu qui nous rejoint jusque dans notre faiblesse, jusque dans notre vulnérabilité, jusque dans notre mort. Pour nous faire vivre, vivre de son Esprit, vivre dans son Esprit.

Avec qui entrer dans cette Semaine Sainte ? Je vous propose d’y entrer en compagnie d’un personnage dont on ne sait rien sinon son nom. Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus. Et C’est à Simon qu’il revient d’aider Jésus à porter la croix. Cela nous redit ce qui compte en cette semaine : la charité qui est l’amour que met en nous l’Esprit de Dieu.

Une Semaine Sainte à vivre donc au gré de la liturgie si forte et si belle de ces jours mais aussi dans le quotidien du service de l’autre. Peut-être un Simon de Cyrène sera-t-il précieux à nos côtés. Peut-être aurons nous l’occasion d’aider quelqu’un à porter sa croix. Ne nous dérobons pas ! C’est à cela que le Christ nous invite. Amen !  

frère Jean-Luc-Marie Foerster

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