Actualités de Prailles
VIGILE PASCALE 2025
Il est une tradition juive, sœurs et frères, selon laquelle le Messie viendra à minuit comme aux jours de la sortie d’Egypte, première Pâque du Seigneur. Il ne faut donc pas, dit Saint Jérôme, que pendant la vigile pascale, on renvoie avant minuit le peuple qui attend la venue du Christ.
Cette tradition nous dit deux choses : d’abord que le Christ va venir ! Et ensuite, comme il faut lui laisser le temps d’arriver, cela me laisse de la marge pour cette prédication !
Le christ Messie va venir : cela veut dire que nous sommes une Eglise qui attend, qui espère, qui vit donc à jamais, pour ainsi dire, dans des endroits où nous sommes sans réponse, des endroits où nous ne trouvons pas notre satisfaction totale, et nous vivons cette attente chaque année durant la nuit de Pâque. Mais à force d’attendre, année après année, le risque pourrait être grand de se décourager et de perdre patience et de s’endormir comme les vierges sages et folles de la parabole. Alors attendons, soyons vigilants et remplis d’espérance !
Tout à l’heure, nous étions dehors. Et nous voilà dedans. Mais c’est le voyage intérieur qui compte. Cette nuit nous rappelle que nous sommes des pèlerins sur terre. C’est étonnant, en fait, de devoir reprendre conscience de notre état d’itinérant, car nous vivons à une époque où tout bouge : on communique, on voyage, on se déplace, pour les études, pour le tourisme, pour le travail, pour les guerres aussi hélas ! Finalement, Il n’y a peut-être que dans les religions, quelles qu’elles soient, qu’on a l’impression que ça ne bouge guère et que chacun campe sur ses positions ! Heureusement que la petite procession de cette nuit, aussi rapide fut-elle, nous rappelle que le croyant en vérité n’est jamais immobile. Il n’est prisonnier ni du béton des églises ni des formules ou des mots qui tentent de dire l’inexprimable du mystère. A la suite du Christ, pas de fixation crispée possible ! Pas de retour en arrière ! Pas de peur de l’avenir ! « Va vers la montagne que je t’indiquerai » dit Dieu au vieil Abraham. « Viens ! Suis-moi » dit Jésus au jeune homme riche. « Vous tous qui avez soif, venez ! » dit-il par son prophète Isaïe. Car ne nous trompons pas : en entrant dans cette église, nous sommes allés plus loin que cela. Nous sommes allés jusqu’à Dieu.
Tout à l’heure, il faisait nuit, dehors ; nous voilà maintenant dans la lumière. Le monde ancien s’en est allé, celui de la nuit, et le Christ soleil levant nous fait passer du vieil homme à l’homme nouveau. « Il y eut un soir, dit Genèse, il y eut un matin », et c’est quand la lumière s’est propagée du Christ à nos bougies. Chaque vigile pascale est comme le premier jour, celui de notre baptême. Où nous passons des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. Comme les Hébreux avec Moïse, nous passons la Mer Rouge, libérés de l’esclavage et de la servitude d’Egypte. Comme le fils prodigue, nous quittons les rives obscures du péché et du mal pour s’avancer à la rencontre de Celui dont le Christ nous dit la lumière ineffable : laissons nous prendre dans ses bras qui nous relèvent.
Des bras qui nous relèvent. Le mot est dit. Relever ; ressusciter.
Avec le Christ, dans la nuit de sa résurrection, nous passons une frontière.
Car à quoi bon toutes ces lumières, tous ces fastes, si rien ne se passe en nous, si rien ne se dépasse en nous, radicalement ?
Cette nuit, sœurs et frères, elle veut changer notre façon de vivre, notre façon de regarder les autres et soi-même et Dieu et elle jette une lumière nouvelle sur ce monde aux prises avec la mort. Ce ne sont pas des forteresses que bâtit la foi professée en cette nuit ; ni des murailles d’intolérance ou de rejet ; ce sont des brèches qu’elle ouvre bien plutôt ; des fenêtres qu’elle ouvre ; il s’agit en cette nuit d’une nouvelle naissance : « Il te faut naître d’en haut, disait Jésus à Nicodème ; à moins de naître d’eau et d’esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume. » Cette nuit de Pâques n’est-elle pas la nuit des chamboulements ? Des chaînes qui tombent ? Des ténèbres vaincues ? Des habitudes qui s’évanouissent ? De la mort qui agonise ? Des tombeaux qui s’ouvrent ?
Délire que tout cela ! C’est ce que disent les disciples et ils n’ont pas cru Marie Madeleine, Jeanne et les autres femmes venues tôt le matin au tombeau. La pierre était roulée, disent-elles, et le tombeau vide. Dieu venait de faire naître au monde son Fils, son bien-aimé, premier né d’un peuple nouveau.
Du délire…et pourtant, sœurs et frères, de ce peuple de fous, nous en sommes. Mais à une condition : c’est de repartir tout à l’heure, sans nostalgie des fastes de cette nuit ; de repartir pour être présence, présence réelle de la miséricorde de Dieu, reflet de son visage, éclat de sa lumière, témoin de sa vie, veilleur partout où l’avenir semble dans une impasse, où la paix paraît impossible et où tant d’hommes et de femmes ne savent plus bien ce que c’est qu’être frères et sœurs et ce que vivre heureux veut dire. De repartir comme des pèlerins d’espérance.
Repartir, allez-vous me dire ? Mais s’il arrive, le Messie, comme un voleur, après minuit ?
Oh, vous savez, il pourra bien arriver à l’improviste, notre Seigneur : il sera tellement heureux de nous trouver absent pour cause d’humanité.
Frère Jean-Luc-Marie, op.
PÂQUES 2025 MONASTERE DE PRAILLES
Il y a des jours de notre vie, sœurs et frères, qui sont magnifiques. Ils sont beaux comme ces champs de colza un peu partout autour de nous, vastes étendues jaunes sur lesquels se lève le soleil. Ils sont brillants comme les feuilles des tilleuls devant mes fenêtres, qui ruissellent le matin de gouttes de rosée. Des jours joyeux comme le chant des oiseaux à l’heure où commence l’office de laudes.
C’est sûr : ce sont des jours qui ont une couleur de résurrection !
Il y a des jours de notre vie où l’on est content : content de soi, content de ce que l’on est, content de ce que l’on fait. Il y a des jours où on se sent proche de tout et de tous. On a comme envie de crier sa joie, de crier merci. Comme François d’Assise, dire merci pour tout ce qui bouge, vit et respire ; merci pour le soleil et pour les fleurs ; merci pour ses frères et pour ses sœurs, pour ses enfants, ses parents, son conjoint. Merci pour la tendresse qui se dit dans un geste ou affleure sur nos lèvres.
C’est sûr : ce sont des jours qui ont une couleur de matin de résurrection !
Et il y a des jours encore où on se sent capable de tous les embrasements et de tous les embrassements, capable de toutes les folies d’un cœur prêt à donner le meilleur de ce qu’il porte en lui. Comme Saint Benoit, comme Ste Scholastique, comme tant d’autres.
C’est sûr : ce sont des jours qui ont une couleur de matin de résurrection !
Il y a des jours aussi, où on donnerait sa chemise, où on donnerait sa vie. Comme Jésus. Ces jours-là, c’est sûr, ce sont des jours où on se sent aimés ! Et ces jours-là ont une couleur de matin de résurrection, quand Dieu relève du tombeau son Fils bien-aimé, celui qu’il a envoyé dans notre humanité pour nous révéler son visage d’amour, et que les hommes ont fait mourir en le pendant au bois du supplice. Celui qui était mort est vivant, et la nouvelle est tellement déroutante que nul ne sait comment réagir devant le tombeau vide.
Marie-Madeleine est toute perdue, débordée par son chagrin, en pleurs, elle s’inquiète d’un corps qu’on aurait égaré… Simon-Pierre, lui, semble ébahi devant ce qu’il découvre : les linges et le suaire sont bien rangés. Il est perplexe et sans doute se questionne : que s’est-il donc passé ? L’autre disciple, celui que Jésus aimait, est le seul à voir et à croire. Les linges et le suaire bien rangés suffisent à éveiller en lui une intuition du coeur et il y voit un signe. Pas de preuve imparable, simplement un signe. Marie Madeleine, Pierre, Jean, chacun avance à son rythme, vers la foi pascale, selon ce qu’il est, selon peut-être aussi ce qu’était sa relation avec Jésus.
N’est-ce pas le cas pour chacun de nous ? L’important n’est-il pas de cheminer, de chercher, de courir, d’être déplacé intérieurement ?
Comme Marie Madeleine qui la première porte aux disciples la bonne nouvelle de la Résurrection, il s’agit pour nous, depuis ce matin-là, d’arrêter nos « sur place » et d’être porteurs pour nos frères de la vie que Dieu veut pour eux, de la vie que Dieu veut pour nous !
Parce que Jésus est ressuscité des morts, nous croyons que la miséricorde peut vaincre le mépris et qu’aucune existence ne peut être jamais définitivement condamnée !
Parce que Jésus est ressuscité des morts, nous croyons que le don de soi, par amour et dans l’amour, mystérieusement, peut arracher le monde au mal et à la violence.
La pierre qui est roulée ne dit-elle pas que tout est possible ?
Christ est ressuscité des morts !
Levons-nous, pour vivre, pour porter la vie, pour aimer ! Levons-nous, sœurs et frères ! Que dis-je ? Laissons-nous relever par le Christ dans l’explosion de vie du matin de la Résurrection !
Frère jean-Luc-Marie, op.
Ecoutez le son de l'homélie